Voici un roman de science fiction qui me faisait de l’œil depuis un moment. Je suis souvent curieuse des propositions des auteurs de SF, mais c’est un genre dans lequel j’ai malheureusement du mal à rentrer. Parfois trop technologique et futuriste, je ne me sens pas happée par l’univers et reste une étrangère, une observatrice. Ou encore trop axé sur le fonctionnement du système à critiquer, politique ou moral, je ne rentre pas en empathie avec les personnages et j’ai du mal à me sentir touchée par le propos.Ma dernière lecture SF est la parfaite incarnation de ces reproches que je fais au genre, Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, un classique du genre. Je comprends la critique, la vision, mais je ne me suis pas sentie touchée ou transportée. Je trouve que la fiction rate sa cible dans le cas où, à mon sens, elle décrit plus qu’elle ne fait vivre.
J’ai mis plusieurs jours à rentrer dans Chien 51. J’ai dû m’immiscer petits instants de lecture par petits instants de lecture pour apprivoiser la dystopie proposée. Dans un futur très proche et en Europe, les états en faillite sont rachetées par d’énormes entreprises privées. C’est l’aboutissement ultime du capitalisme et de ses inégalités, infusé dans toute la société. Heureusement, l’approche de l’univers est finalement prenante, à défaut d’être originale. On est plongé dans une affaire criminelle, dans laquelle deux agents de “castes” différentes (un homme et une femme) sont amenés à mener l’enquête ensemble. Leur relation n’est pas très creusée et quelques raccourcis simplistes nuisent à la crédibilité de cet aspect du roman, mais l’enquête policière est assez intéressante et menée de telle manière qu’elle permet de comprendre le fonctionnement de la société qu’imagine l’auteur. Le passé tourmenté de l’enquêteur est l’autre moyen d’entrer dans la genèse d’un tel régime. Cet homme torturé est attachant, et je trouve que de se mettre dans sa peau en revivant son histoire est le meilleur moyen de se questionner sur notre propre comportement lors de tels événements. Pari réussi ici !
Le style est agréable et plutôt fin, c’est une plume que j’aurais plaisir à retrouver, car il me semble que Laurent Gaudé s’essaye à d’autres genres que la SF. C’est peut-être pour cela que j’ai trouvé son approche moins radicale et plus agréable que d’autres auteurs de SF pure et dure.