Roman difficile à lire, dans tous les sens du terme. À fois dans le sujet abordé et dans la langue utilisée. Néanmoins, je pense que le procédé était nécessaire pour aborder un sujet si difficile.

Il est question des conditions de vie et de maltraitance des esclaves dans le milieu du 19ème siècle dans le sud des USA, ainsi que de leur vie après l’esclavage (une fois libéré, racheté, ou plus souvent enfui), au travers de la vie de Sethe. Au début du roman, on découvre que Sethe s’est enfuie de la plantation où elle était esclave pour vivre libre avec ses enfants, et qu’un jour, sur le point d’être rattrapée par son “propriétaire”, elle préfère tuer ses enfants que de les condamner à une vie de sévices. Elle parvient à tuer son nouveau-né, les autres enfants s’en sortent. Et le roman va tourner autour de ce traumatisme sur les habitants de la maison, de la communauté noire du coin, de la fille survivante, mais on comprend que ce traumatisme, si horrible qu’il soit, n’en est en fait qu’un parmi d’innombrables pour tous ces noirs brisés par l’esclavage.

Le roman fait des sauts temporels sans crier gare, brosse des portraits à petite touche, des destins par bribes, dépeint des événements par métaphores, use d’images pour décrire l’innommable. C’est très difficile de s’y retrouver, il faut s’accrocher (ou se laisser porter, en fait) pour suivre l’autrice, mais c’est en fait une délicatesse de sa part de nous épargner la vue des scènes de viol, de mise à mort, de passage à tabac et d’humiliation qu’ont subi ses personnages. C’est un voile de pudeur habilement jeté sur des atrocités. En fin de compte, je pense que je n’aurais pas pu lire un roman aussi violent sans une langue qui brouille un peu les pistes pour ménager son lecteur.